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 Lettre à Daisy Gloom

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Jane K. Conrad
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Jane K. Conrad

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MessageSujet: Lettre à Daisy Gloom    Lettre à Daisy Gloom  EmptyDim 19 Mar - 16:45

*Une à deux fois par semaine, Jane écrivait à son amie d'adolescence que le temps et les horaires avaient séparées physiquement parlant. Tantôt lui écrivait-elle ses ressentis, ses craintes, tantôt se plaisait-elle à lui romancer sa vie afin de lui offrir un peu de couleur. Car pour la jeune femme, avoir un amant du nom d'Arthur Fletcher n'avait rien de réellement réjouissant, bien au contraire.
Elles n'étaient pas des amies proches, à proprement dit, pourtant elles s'offraient un soutien non négligeable lorsqu'elles s'avouaient le mauvais tournant que prenait leur vie. Jane appréciait particulièrement cette correspondance, si simple et pourtant si agréable. C'était une pensée épistolaire, et c'était là le plus important.

Romancer leur vie, leurs rêves, était devenue une tradition -typiquement féminine certes- pour les deux jeunes femmes qui, finalement, n'avaient pas tout à fait hérité de la vie escomptée.*


Ma chère Daisy,

Une fois de plus, tu liras cette lettre après ta prestation de ce soir, laquelle, j’en suis certaine, sera tout aussi merveilleuse que les précédentes. Tous t’applaudiront et réciteront ton nom comme une agréable prière, toi leur Muse, toi celle qu’ils aimeraient prendre par la main pour un simple baise-main.

Ma belle amie, si ce soir je t’écris, c’est pour que demain, à mon réveil, tes mots me redonnent espoir et me rappellent nos rêves les plus fous. Des rêves certes insensés, mais que nous nous sommes promis de réaliser. La santé d’Emily décline à vue d’œil et sa greffe devient pressente. Elle est cette demoiselle en détresse que je ne parviens à sauver. Où sont donc les princes de nos histoires ? Ceux qui nous ont charmées le temps d’un soir, mais qui sauveraient ma douce Emily ?

Plus d’une fois, j’ai songé à prendre le poumon de ton dit-amant. Mais par respect pour toi, je n’en ferai rien. Que pourrais-je bien faire d’un poumon d’ores et déjà meurtri, et noyé dans l’alcool et la sottise humaine. J’ose espérer qu’il te traite au mieux, toi qui est si douce et si innocente. Ton prince porte un drôle de masque, mais nul masque ne peut résister à la candeur de tes gestes, de tes mots. Comme tous les hommes de Daisy Gloom, il finira séduit et enchaîné aux pieds de sa Muse. Et crois-moi, je te prie, lorsque je te dis que cette vision m’apporte quelques sourires.

Les hommes sont des créatures fort étranges. Et te l’écrire me permet d’en avoir réellement conscience. Leur lunatisme me surprend et même me désarçonne. Comment suis-je alors censée me comporter face à eux ? Ils ne savent pas jouer de leur orgueil avec pertinence et subtilité.
J’ai fait la connaissance d’une de ces créatures, et je t’avoue, ma bonne amie, que j’ignore totalement comment il me faut me conduire face à lui. Nous savons toutes deux que je suis mauvaise lorsqu’il s’agit d’étiquettes et de convenance.

Je te laisse à ton repos, bien mérité. Conte-moi tes aventures dans ta prochaine lettre, et n’oublie pas, si le cœur t’en dit, de me rendre visite. Monsieur de Brocéliande, mon cher et tendre patron, ne t’en tiendra pas rigueur.
Bien à toi,

Jane.
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Daisy Gloom
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Daisy Gloom

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MessageSujet: Re: Lettre à Daisy Gloom    Lettre à Daisy Gloom  EmptyMar 21 Mar - 20:48

Cet échange épistolaire était devenu, pour Daisy, l'un des moments favoris de ses journées. Ce rituel que les deux amies d'adolescence avaient perpétué même alors que les années les avaient séparées était le remède à ses jours les plus mornes, et faisait partie des quelques moments où elle se sentait libre de respirer. Elle avait dans un premier temps était surprise d'apprendre, au fil de leur échange, que cette chère Jane connaissait son amant. Douce ironie. Qu'il était difficile de romancer une aventure avec un homme dont la réputation parlait pour lui-même. Elle se complaisait toutefois à envoyer ces lettres, tantôt optimistes, tantôt craintives, d'autres fois plus nostalgiques de ce temps où elles restaient de simples et innocentes élèves. Elle suivait avec intérêt les aventures de son amie, notamment cette triste histoire concernant sa sœur, qui attendait toujours de recevoir une greffe. Le destin de cette pauvre Emily peinait profondément Daisy, qui n'en admirait que plus le courage de l'autre femme.

Chère Jane,

Tu seras certainement heureuse d'apprendre que ma prestation de ce soir s'est déroulée à merveille. Je me hâte cette nuit de te répondre, afin d'apaiser, si je le peux, quelques-unes de tes inquiétudes.

Me voilà bien attristée par ces nouvelles que tu me contes de ta plume si élégante. Je ne doute cependant pas de ta capacité à soulager rapidement cette demoiselle et à trouver le remède le plus adéquat à ses souffrances. Ta chère patiente trouvera en ta personne, j'en suis certaine, la marraine la bonne fée qu'il lui manque cruellement, en plus de la sœur aimante que tu es. Ta douceur et ta bonté sont déjà bien assez de remèdes pour toute âme qui aurait le bonheur et le privilège de croiser ton chemin.

Les hommes sont d'étranges créatures, je dois le reconnaître. Tes inquiétudes me touchent, mais je peux t'assurer sans mentir qu'Arthur adopte en ma présence un comportement qui ferait douter de cette réputation que tu me décris ainsi. Je n'ai nul doute qu'il me traite au mieux de ses capacités, et voilà toute l'espérance que je plaçais en lui. Je ne saurais rêver meilleure compagnie.

Mais dis-m'en plus sur cet homme que tu évoques si brièvement. Serait-il celui en mesure d'affoler ton cœur, de saisir ton corps des frissons les plus exquis, de nourrir tes rêves des pensées les plus agréables ? Je t'en prie, ne me laisse pas sur ma faim et offre-moi les détails de cette rencontre. Sache que ton goût pour les étiquettes devrait rester tel quel, car bien sot serait l'homme qui tenterait de t'imposer quoi que ce soit.

Ce serait un bonheur de te rendre visite, cependant Arthur ne me laisse que très peu de temps libre, ces derniers jours. Je ne perds pourtant pas espoir de pouvoir te revoir très bientôt, ma chère amie. Mais toute aussi généreuse que tu le sois, n'oublie pas de prendre soin de celle qui compte le plus sur ta force et ta bonté : toi-même. Préserve ce tempérament si doux, et cette volonté de répandre le bien autour de toi. Tu restes l'un des derniers rayons de soleil de cette ville qui semble s'assombrir de jour en jour.

Avec toute mon amitié,

Daisy
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Jane K. Conrad
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MessageSujet: Re: Lettre à Daisy Gloom    Lettre à Daisy Gloom  EmptyJeu 23 Mar - 17:35

*Suite à un long sommeil réparateur, Jane put enfin lire la réponse de son amie, sur laquelle elle comptait beaucoup. Et pour cause, Eléanor n'aimait que trop parler de son époux à l'inverse de l'amante de Môsieur Fletcher, ce qui laissait à la jeune infirmière la possibilité de confier ses états d'âme. A sa lecture, un sourire flotta sur ses lèvres. Une fois de plus, Daisy avait su parler à son coeur, parler à ses espoirs mais elle ignorait encore ce dont était capable son amie. Et Jane était capable du meilleur comme du pire lorsqu'il était question de sa tendre Emily.

Son sourire s'agrandit à l'évocation du fameux et mystérieux botaniste. Leur relation était-elle prometteuse ? Peut-être bien, mais Jane ne comptait nullement s'en créer des espoirs typiquement féminins. Au contraire, elle se trouvait parfaitement lucide sur la question. Un chapitre ou une histoire, ce n'était pas à elle de l'imaginer..*

Ma chère Daisy,

Que tes mots me réchauffent le cœur, ma belle amie. Tu as toujours su les trouver, et une fois encore, je t’en remercie. Malheureusement, il semblerait que mes qualités, lesquelles tu vantes avec tant d’ardeur, ne soient plus suffisantes. A croire que la douceur, la bonté et l’amour ne sont pas aussi indispensables que ce qu’on veut bien nous faire croire. Peut-être alors dois-je me doter de nouvelles armes. Tu le sais, pour mon Emily, il n’y a ni obstacle, ni limite. Je parviendrai à mes fins, je le lui dois.

Acceptant d’épargner ton amant, j’espère bien qu’il te traite convenablement ! Dans le cas contraire, je trouverai une excuse suffisante pour lui rappeler mon bon souvenir. Mais s’il se fait un autre homme avec et pour toi, alors soit, je n’en dirai ni n’en ferai rien, me ralliant à ton avis si bon. Ma douce amie, j’envie ce don que tu possèdes à toujours voir le meilleur en chacun. Ne perds jamais cette étincelle d’espoir qui fait ta force. Après tout, ton amant n’est peut-être pas un cas si désespéré. J’ai foi en tes capacités, l’animal n’y résistera point encore longtemps. Peut-être est-ce-là une candide idiotie de ma part, mais je ne peine point à croire que dans « la chose » qui sert de cœur à ce salopiaud, il y ait encore quelque chose à sauver.

Quant à mon propre cœur, te voilà fort curieuse mon amie. Mais comment t’en vouloir lorsque moi-même je le suis. Je ne sais que te répondre. Sa différence est ma seule certitude. Ce n’est pas le prince de nos histoires, et que Dieu m’en garde. Il porte un masque, un masque qui dissimule des secrets, des douleurs et une personnalité que je peine à atteindre réellement. Quand je crois la toucher du doigt, elle m’échappe et je fais alors face à un certain amour-propre. Contrairement à la plupart des hommes, cet amour-propre semble être une soupape de sécurité, une soupape qui me fait obstacle... Affolera-t-il mon cœur ? Peut-être. Il affole déjà ma curiosité et mon goût pour l’aventure. Et c’est là quelque chose d’inédit. Pour le reste, ma belle amie, je ne te cache pas que j’ai mes réserves sur ce genre d’histoire. J’ai fait depuis longtemps une croix dessus afin de m’occuper pleinement de mon Emily.

Pourtant, il y a quelque chose qui … Oserai-je le dire … Une chose qui m’attire inexorablement. Mais c’est là une autre histoire, une histoire d’étiquette peut-être. Comment sommes-nous censées être nous-mêmes, ni trop prudes, ni trop avenantes, sans tomber dans la caricature ? Les convenances me paraissent si contraignantes ! Je devrais peut-être cesser de m’attacher à mes patients… Car figure-toi que tout a commencé avec une blessure à soigner. J’ai le cœur trop faible lorsqu’il s’agit de mes patients.

Pour ce qui est de tes derniers conseils, je les garde précieusement. Merci pour eux, ma belle amie, et ne t’oublie pas non plus. Car tes mots si généreux valent également pour toi.


Avec toute mon affection,

Jane.
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MessageSujet: Re: Lettre à Daisy Gloom    Lettre à Daisy Gloom  EmptySam 25 Mar - 19:53

Un sourire étira les lèvres de la jeune blonde à la lecture de cette nouvelle lettre. Les mots couchés sur le papier représentaient tellement son interlocutrice qu'elle se sentait comme revenue en arrière, du temps où elles partageaient un dortoir à Ilvermorny. Jane s'était toujours montrée particulièrement lucide vis-à-vis de la gent masculine, contrairement à Daisy qui n'avait jamais totalement cessé de rêver en une rencontre qui changerait sa vie. D'ailleurs, une rencontre avait bel et bien changé sa vie, simplement pas au sens où elle l'entendait. Son sourire s'altéra en lisant le passage consacré à son amant, mais la tristesse qui habita son visage fut vite remplacée par une expression plus juvénile et mutine, à la lecture du passage sur cette rencontre.

Ma chère Jane,

Si mes mots ont su soulager quelque peu tes tracas, alors voilà ma journée accomplie. Je reconnais bien dans ce que tu me contes ta détermination. Je ne doute pas de ta capacité à imaginer toutes les possibilités pour ton Emily. Pardonne mon audace et permets-moi simplement de te conseiller de ne pas te perdre dans cette quête pour la sauver. Fais ce qu'il te semble bon de faire, mais ne renonce pas à la meilleure part de toi, celle qui illumine le jour, je n'en doute pas, de ceux qui te croisent. Choisis avec prudence ces nouvelles armes que tu évoques, car s'il est aisé de s'enfoncer dans l'obscurité, faire le chemin inverse n'en est que plus complexe.

Peut-être devrais-je t'emprunter un peu de cette vigueur qui te caractérise tant, encore aujourd'hui dans cette lettre. Tu as toujours su imposer imposer ta personnalité et tes pensées aux hommes qui t'entouraient. Peut-être aurais-je dû prendre exemple sur toi, m'imprégner d'un peu de cette force de caractère. Je m'égare, mais aujourd'hui n'est pas un jour pour de telles pensées.

Pardonne encore une fois ma curiosité. Ta description me laisse à penser que tu es repartie satisfaite de cette rencontre. Une personnalité telle que celle que tu évoques, n'aura sans doute pas manqué de t'intriguer. Un esprit insaisissable rencontrant un autre, cela ne peut faire que des étincelles, ne trouves-tu pas ? Les mystères qui entourent cet homme sont peut-être tiens à percer, chère Jane. S'agit-il là du regain d'énergie et de la légèreté que tu mérites, parmi ces journées chargées bien qu'honorables passées en compagnie de tes patients ?

D'ailleurs, cesser de t'attacher à ces derniers ? N'est-ce pas là ce qui fait pourtant la beauté de ta profession ? Douce amie, tu joues dans l'existence de tes patients et de leur famille un rôle essentiel. Quand ils perdent le goût de la vie, tu es celle qui sait le leur redonner et leur apporter ton soutien et un peu de confort. Ne le nie pas, tu leur es essentielle. Ta compassion est toute aussi importante que les soins que tu leur apportes, et c'est cela qu'ils garderont en mémoire lorsqu'ils repenseront à la charmante infirmière qui était présente pour eux lorsque le monde leur tournait le dos. Comment un cœur aussi généreux et attentionné pourrait-il être faible, en ce cas ? Cet attachement ne semble que te rendre que plus forte et déterminée.

Continue à prendre soin d'eux, comme tu sais si bien le faire. Je souhaite pour ta sœur un rétablissement rapide, et je sais que tu feras tout ce qui est en ton pouvoir pour que ce souhait se réalise. Mais ne ferme pas ton cœur aux possibilités de la vie, chère Jane. Tu as tes priorités, et je les comprends tout autant que je les respecte. Mais n'en oublie pas ta propre existence, celle-ci filant bien rapidement. En espérant que ton sommeil soit réparateur, après cette longue journée que tu as dû passer, encore une fois.
Bien à toi,

Daisy.
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MessageSujet: Re: Lettre à Daisy Gloom    Lettre à Daisy Gloom  EmptyJeu 22 Juin - 22:55




Jane K. Conrad
Midtown.

Daisy Gloom
Quelque part dans sa tour...

Ma chère amie,

P
ardonne une fois de plus mon silence que trop long, j’en ai conscience. J’ai tant à te raconter que je ne sais par où commencer.
Je suis tombée.
Non comme on tombe d’avoir raté une marche, ou que l’on tombe que d’avoir trop espéré. Je suis tombée, comme on tombe dans les bras d’un inconnu et qu’on cherche à connaître la beauté et la sincérité de son âme. Je suis tombée, comme on s’émerveille devant un corps nu, caressé par les flammes d’un poêle ou du désir.
Je suis tombée, au cœur du froid canadien, au cœur d’une forêt gardée par un manteau blanc, là où mon cœur a enfin eu un battement.

Un auteur allemand a écrit un jour ceci : « L’homme est cette nuit, ce néant vide qui contient tout dans la simplicité de cette nuit […]. C’est cette nuit qu’on découvre lorsqu’on regarde un homme dans les yeux – on plonge son regard dans une nuit qui devient effroyable, c’est la nuit du monde qui s’avance ici à la rencontre de chacun. »
C’est une citation que j’avais pris soin de noter dans un carnet, particulièrement touchée par la beauté de son propos. Voilà qu’elle me semble bien adaptée pour te décrire cet être qu’on craindrait de sonder tant il est imprévisible. J’ai plongé dans son regard ma chère Daisy, et je ne sais ce que j’y ai lu. Etait-ce de l’assurance ? de la malice ? de l’attirance ? du désir ? ou une peur effroyable ? Mais il y régnait une profondeur refoulée, une âme des plus voilées, barricadée derrière un masque dont j’ignore la véritable opacité. Et dans ses ténèbres, car c’est bien d’elles dont il est question, j’en suis certaine, je me suis immergée. Mon regard s’est lié au sien et mon corps s’est mis à trembler alors que la nuit et ses délices m’emportaient dans un monde inconnu empli de sensations.

Me voilà éprise, rédigeant sous la plume de la niaiserie, celle-là même qui me fait horreur. Seulement, elle semble battre au rythme de mon cœur qui essaie de comprendre pourquoi sa faiblesse, et comment la réparer. Je me souviens de la façon dont j’ai perdu mon souffle, il semble encore m’échapper à l’heure où je t’écris ses mots. Ma main tremble d’une excitation que je ne saurais dissimuler. Comprends-moi ma belle amie, jamais de ma maigre existence, je n’ai vu pareille association de l’ombre et de la lumière. La première a la main mise sur la seconde et pourtant, la seconde tente avec timidité de montrer une infime part de sa beauté, comme si celle-ci ne s’assumait pas. J’entrevois un petit garçon derrière les différents masques apposés sur un visage enjôleur et bien façonné, mais dès que je semble l’atteindre, y parvenir, il me fuit aussitôt … comme brisé. Tu dois te rire de moi, voilà que je me mets à interpréter les attitudes d’un homme à la manière de ses femmes que nous détestons pour cette imagination débordante qu’elles ont. A ma décharge, il est l’enveloppe d’un mystère qui m’est interdit d’approcher. Quel être dissimulerait ainsi sa vérité si celle-ci n’était pas une faille, une douleur passée et jamais réellement soignée ?

Cet homme sorti de l’ombre et des bas-fonds m’intrigue. Quelque chose en lui m’attire, me vole mon libre-arbitre qui m’est pourtant si cher. L’aventure règne sur ses lèvres. L’aventure, Daisy. L’aventure… L’inconnu me gagne et me susurre à l’oreille de succomber, encore et encore, d’embrasser ce pêché de vie, alors que mon instinct me met en garde. J’ignore à quel masque je puis faire confiance. Derrière quelle parure blanche s’est-il dissimulé ? La passion est vive et je sens le goût de la nécessité sur ma langue. Je sens l’appétit de mon être entier alors que ses mystères pourchassent mon esprit. Qu’attends-je donc ? De le sauver ? Je ne crois pas. Non vraiment, je ne crois pas. Me prendras-tu pour une inconsciente, ma douce amie, si je t’avoue ne pas vouloir céder la place à ma raison, à mon instinct infirmier quasi naturel ? Je ne veux pas sauver. Je veux connaître, découvrir et admirer les facettes oxymoriennes qui habitent cet homme si accessible et insaisissable à la fois ?

Et dire que mon caractère a manqué de mettre un terme à ce périple d’un weekend. Trop intrépide, trop persifleur, et susceptible pour ce cher botaniste qui s’est lourdement heurté à la carapace de cette pauvre Miss Jane, pure et dont la vie n’était jusque là, qu’un triste roman aux pages grisées par la monotonie et l’insipidité. Heureusement pour la lunatique infirmière, l’homme, à son bras, a su faire preuve de patience. Il m’a montré un monde dont j’ignorais toute la beauté, un monde enneigé sur lequel s’est profilée une aurore boréale. Jamais je n’avais vu pareil spectacle, pareil tableau de la nature. Mon cœur, ma belle amie, s’est mis à battre d’une dangereuse rapidité et mon souffle s’est coupé sur l’instant, pour laisser un flot de larmes se déverser. Les hommes se battent et se haïssent sans savoir que la nature regorge de beautés cachées, dissimulées dans l’air du temps et de la nuit. C’est là que j’ai su.

Presque deux semaines se sont écoulées depuis et je n’ai nul regret. Je crois que quelque chose, en moi, a changé, muté pour une détermination plus grande et moins … exclusive. Je veux vivre, savourer l’enlacement des deux corps, et la douceur des lèvres qui se cherchent. Je veux éprouver mon cœur, en ressentir chaque pincement et chaque battement, connaître cet inconnu auquel je me suis toujours refusée. Savais-tu seulement que les vampires pouvaient se montrer d’aussi bons conseils ? Je t’assure que Ste Morgane a bien changé ! Ta chère amie s’est même éprise des nombreux entretiens qu’elle nourrit avec son patient vampire. Une sagesse dont on ne soupçonne pas la profondeur ! Mais voilà que je m’égare.

Une question te taraude, je le sais, je connais suffisamment ta curiosité si délicate et insatiable : et après ? Et bien sache que de son initiative, nous nous réservons les lundis et jeudis soirs. Ne m’en demande plus, cette forme d’officialisation m’angoisse plus que je ne saurais le dire, autant qu’elle provoque en moi quelques sérénités et gourmandises.
Quant à mes affaires personnelles, elles feront l’objet d’une prochaine lettre. Je crois que cet homme mérite une lettre à lui seul. Clayton Ackley, voilà son nom. Promets-moi de ne jamais l’évoquer, et de brûler cette lettre dès que tu l’auras lue. Je ne permettrai pas qu’on ose se mettre en travers de ma quête. Et il va s’en dire que ce n’est pas toi ici que je vise, ma bonne amie.

Pour le reste, j’ose espérer que tu te portes bien. Bientôt nous nous verrons, sous une forme à laquelle ce cher A ne s’attendra pas. Personne ne m’empêchera de te louer le vol d’oiseau, lequel j’ai pu admirer il y a trois semaines de cela.
Il ne suffit que d’un indice.

Dans l’attente de nos retrouvailles, je te libère de ta lecture sur ces dernières paroles, lesquelles ont appartenu à un philosophe français. Elles sont à mes yeux particulièrement éclairantes : « Dans quelle énorme profondeur obscure et muette mon œil va-t-il s’égarer ? ».

Avec toute mon affection,

Ton amie en proie à des choses informes que l’on nomme grossièrement « sentiments »,





Jane.
© sobade.





*Auteur 1 : Hegel
*Auteur 2 : Diderot
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MessageSujet: Re: Lettre à Daisy Gloom    Lettre à Daisy Gloom  EmptyMer 16 Aoû - 18:54




Daisy Gloom
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Jane Conrad
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Ma très chère Jane,

J
e commence cette réponse alors même que j'entame la lecture de ta lettre. Déjà, j'en pressens le contenu. Permets-moi de t'avouer, mon amie, que tes mots me font d'ores et déjà redouter le restant de tes phrases. Pour autant, je devine aisément ce qui m'attend à la suite de cette lecture. Mais tu ne peux reprocher à une amie de craindre pour le coeur d'une femme délicate telle que toi.

Je continue à déchiffrer ton écriture, et voilà que j'apprends l'existence d'un voyage aux côtés de ton beau prétendant. Et quel homme doit-il être, pour ainsi déloger sa belle infirmière des chevets des patients. Je ne te savais pas si aventurière, et quelle splendide surprise ! Je t'envie, si je dois être honnête, de connaître ces aventures créatrices des frissons dont nous nous délections lors de nos lectures de jeunesse. Toutefois, je dois admettre que tu me surprends, Jane. Tu m'apparais sous un nouveau jour, je te connaissais sensible, je te découvre téméraire. Un point ne me surprend guère. Ta description de cet homme d'ores et déjà extraordinaire pour avoir réveillé ton corps à ses caresses et à ses mots se concentre sur sa noirceur. Je comprends ta fascination pour celle-ci, toi qui as toujours voulu séduire les ténèbres, te tenant en leur bord, sans pourtant t'autoriser à y plonger. Mon unique mise en garde se focalisera donc sur ce thème. Je t'en conjure, et même si je doute que mon inquiétude soit totalement fondée, ne laisse nul autre que toi-même te guider vers ce chemin. Si tu dois y succomber, que cela vienne de toi et non des décisions de ton prétendant. Je te sais indépendante, mais l'on sous-estime trop les dangers qui se parent derrière ces sentiments, ainsi que les murmures et promesses d'avenir meilleur qui ne resteront que de douces fantaisies. Crois-bien que cette inquiétude n'est pas exprimée pour froisser ton coeur, mais bien par réel souci de ton bien-être.

Mais si mes craintes sont infondées, si tu m'assures que nul homme ne saurait corrompre le coeur de la douce infirmière, alors il ne me reste qu'à me réjouir pour toi, mon amie. Quel cadre idéal, pour ainsi passer la nuit en compagnie de l'homme qui te plait. Si j'osais, j'emploierais même le mot "romantique", tel que ce mot est utilisé de nos jours. Je suis sensible à l'intérêt que tu portes à cette douceur qu'il semble refouler, et je ne peux que t'encourager à creuser cet aspect de sa personnalité. Je te souhaite en outre beaucoup de bonheur, et de ne pas laisser son agacement vis-à-vis de ton caractère empiéter sur celui-ci. L'homme qui saurait dompter Miss Conrad n'est pas encore né, voilà ma certitude. Je suis soulagée qu'il semble te laisser un semblant de liberté, une officialisation trop importante et trop rapide ne serait de toute manière probablement pas entré dans ton projet vis-à-vis de cette relation. Je promets de taire ce nom, d'autant plus que je crains, selon ce que tu m'en as révélé, que ce Clayton soit une connaissance d'Arthur. Que ce dernier s'immisce dans votre relation n'est une situation que je ne souhaite à personne. Je suis honorée par cette confiance que tu m'accordes, et pour rien au monde je ne trahirais celle-ci, tu as ma parole.

En ce qui me concerne, j'ai moi aussi ma dose d'aventures à te raconter. J'ai fait deux rencontres lors de ces deux dernières semaines. L'une s'est déroulée sur mon lieu de travail. Le nouveau public auquel je me confronte est merveilleux de par son émerveillement, mais angoissant de par son effervescence. Et c'est parmi ce public que j'ai fait la rencontre d'une femme qui, j'en tremble encore aujourd'hui, s'est révélée aussi intense que fascinante. Cette femme m'a bouleversée, et, si je dois être honnête, m'a profondément inspirée. Jamais je n'avais rencontré tel caractère fougueux et indépendant, telle volonté de fer. Je ne saurais dire si les sentiments qu'elle a réveillé en moi étaient de nature positive ou négative, mais quoi qu'il en soit, ils étaient puissants. Je me suis sentie vivante, Jane, probablement pas pour les bonnes raisons, certainement pas de la façon dont je l'envisageais, mais je me suis sentie vivante. Par ailleurs, j'ai cru déceler chez elle des bribes d'émotions qui m'ont émue aux larmes, et j'ai ressenti pour elle une compassion dont je ne connais pas l'origine, mais qui était bien réelle. Je tairai son nom par respect pour cette femme, mais elle demeure l'une des rencontres décisives de mon existence, et je crains qu'elle ne sache jamais combien je lui suis, d'une manière déconcertante, reconnaissante de s'être introduit dans ma loge ce soir-là. Je ne suis pas convaincue que les motivations qui l'aient poussée à venir se présenter à moi aient été bienveillantes, mais pour autant je ne peux m'empêcher de ressentir pour elle une admiration certaine.

Ma deuxième rencontre fut tout aussi déconcertante. Une créature, attirée par le sang qu'une égratignure venait de faire couler au sol, s'est introduite par la fenêtre de mon logis. Malheureusement, notre premier contact ne fût pas des plus agréables pour ce pauvre vampire, puisque mes instincts de défense et de survie me firent violemment l'éjecter par cette même fenêtre. Ce n'est qu'après m'être assurée qu'il ne soit pas trop blessé que nous avons eu l'occasion de converser, et quelle conversation ! Voilà une autre rencontre qui me fit voir les choses sous un nouvel angle. En écrivant ces mots, je réalise que je semble bien plus inconsciente qu'autrefois, et pourtant jamais je n'ai senti mon coeur battre avec tant de force, hormis quelques fois avec Arthur.

Je reste bien mystérieuse, je le sais, mais ce sont des récits qui se doivent d'être racontés de vive-voix. Si par hasard tu rencontrais lors d'une promenade nocture une fenêtre éclairée au deuxième étage d'une résidence de non-maj', dans un quartier non-maj', alors tu saurais où me trouver. Tu pourrais alors m'en dire plus sur ce voyage au Canada.
Avec toute mon affection,

Daisy.
© sobade.


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