[Daisy+Libre] Avril 1928 : Music is the art which is most nigh to tears and memory
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Daisy Gloom Admin
Messages : 108 Date d'inscription : 06/03/2017 Baguette : Bois de poirier, 27 centimètres, crin de licorne, souple
Sujet: [Daisy+Libre] Avril 1928 : Music is the art which is most nigh to tears and memory Mar 18 Juil - 18:15
Music is the art which is most nigh to tears and memory
La jeune femme se tenait là, au beau milieu de cette scène. Face à son public, qu’elle n’avait pas le loisir d’ignorer, avec cet éclairage braqué sur eux, puis sur elle. Cela marquait le début de sa troisième semaine en tant que chanteuse parmi les Non-Maj’, des jours durant lesquels elle avait surpassé sa peur du contact interdit avec ces hommes et ces femmes dont la seule différence était qu’ils ne possédaient pas de pouvoirs magiques, du moins ne s’étaient-ils pas manifestés. Car un peu de magie se devait de sommeiller en chaque être humain, comment pourrait-il en être autrement ? Elle avait développé une forme d’attachement pour ce public plus calme que le public sorcier, plus crédule, aussi. Face à ce qu’ils ne comprenaient pas, ils étaient nombreux à cataloguer cela comme merveille. Une admiration qu’ils vouaient tout autant à sa voix que, hélas, à sa beauté.
Et pourtant...
Sa beauté à elle n’était qu’éphémère. Un masque trop envié pour si peu de valeur, une condamnation à la convoitise des uns et à la jalousie des autres. Deux sentiments tout aussi destructeurs l’un que l’autre. Mais la vraie beauté, elle la connaissait. Elle la frôlait chaque soir, chaque jour, à chacune de ses respirations. Toutes deux entamaient quotidiennement une danse séductrice, flirtaient l’une avec l’autre sans que jamais, pourtant, elle ne semble l’atteindre complètement. La musique, voilà la véritable beauté de ce monde. Elle ne savait à quelle muse, à quelle divinité elle devait ce don et ce plaisir, mais elle la priait à chaque instant de son existence, en secret. Elle chantait ses louanges, tentait à sa manière de l’honorer.
Daisy connaissait les soupirs derrière chaque demi-ton, les secrets enfouis sous les silences, auxquels certains étaient sourds, mais que d’autres touchaient du bout des doigts. Elle frémissait aux vibrations des cordes, atteignait l’extase à chaque crescendo, percevait les enchantements de chaque gamme, chaque arpège. Elle embrassait chaque note, blanche, noire, qu’il lui était donné de chanter, en savourait la rondeur, les picotements sur ses lèvres. La musique était devenue sa maîtresse, aussi terrible et tendre que l’amour, aussi addictive que la passion, et aussi innocente que l’espérance et la foi. Son être entier vibrait de la joie amère de posséder ce don, dont elle se sentait redevable et dont elle s’efforçait de payer la dette chaque fois qu’elle se produisait devant un public. Elle chérissait ces instants, finalement pour le plaisir égoïste, peut-être, de connaître les miettes de bonheur que ce monde quelques fois terribles lui offrait, de succomber à cet envoûtement indéfectible. Si les pianissimo l’émouvaient aux larmes, les fortissimo criaient son désespoir. Parmi eux, les forte et les piano se mêlaient, plus mesurés, apportaient les nuances nécessaires à la symphonie qu’était sa vie.
Il y avait des jours où Daisy maudissait tout autant qu’elle bénissait son existence, projetée dans un monde auquel elle ne comprenait pas grand-chose, mais parmi ces choses, la plus belle de toutes. Si sa compréhension était en partie théorique, elle était principalement instinctive, ainsi véritable, une compréhension qui secouait son épiderme chaque fois qu’elle y pensait, la remplissait de rêveries lyriques et désespérées, et finalement donnait un sens à ces jours incertains qu’elle voyait se profiler au loin.
Son affinité avec la musique s’était dévoilée dans sa jeunesse, d’abord il est vrai, avec sa voix. Chanter avait réconforté ses jours les plus maussades passés au sein de l’orphelinat des souffrances, et c’est pourtant ce même orphelinat qui, peut-être à son insu, avait marqué le début de sa délivrance. La jeune Daisy avait souvent bravé les dangers des foudres du directeur de l’orphelinat, tard le soir ou bien très tôt le matin, pour emprunter en secret les seuls livres sur la musique qu’elle trouvait. Ceux-ci était incomplets, ou bien ne concernaient que les bases de la rhétorique en musique, mais du moins lui avaient-ils permis de rêver à un avenir meilleur, et lui avaient-ils appris à lire les notes. C’est plus tard, à Ilvermorny, qu’elle développa son don, et qu’elle toucha pour la première fois à de multiples instruments, dont son préféré : le piano. Un en particulier devint son compagnon le plus fidèle, celui qui recevait les secrets de son âme, ses chagrins tout comme ses joies. Un piano, cela manquait tellement à son quotidien. Ou même tout autre instrument, le violon pour ses sonorités mélancoliques, les plus proches des intonations humaines, la flûte traversière pour sa joie de vivre, le hautbois pour sa rondeur et sa timidité.
Ses yeux clairs se posèrent sur les différents regards qui la contemplaient, attendaient les premières notes, guettaient sa première inspiration. Elle sourit, offrant à tous un signe de gratitude de lui permettre d’exercer ainsi le rêve d’une petite fille. Puis elle inspira, et les notes se succédèrent. Showtime.